En octobre 2024, le gouvernement sénégalais a officiellement lancé le « New Deal technologique », un plan stratégique visant à transformer le pays en un hub numérique de référence en Afrique d’ici à 2034. Ce programme novateur remplace l’ancien plan « Sénégal Numérique 2025 » et marque un tournant dans la manière dont l’État entend exploiter les technologies pour favoriser un développement inclusif et durable.
Les Quatre Piliers du « New Deal Technologique »
Le « New Deal technologique » s’articule autour de quatre axes principaux, chacun contribuant à transformer le Sénégal en un hub numérique de référence. Ces axes visent à moderniser les infrastructures, à démocratiser l’accès à Internet, à renforcer les compétences technologiques locales et à favoriser un environnement propice à l’innovation et à l’entrepreneuriat.
- Développement des infrastructures numériques :
- L’un des projets phares est la création d’un cloud souverain, une première en Afrique de l’Ouest, permettant de stocker et de protéger les données sensibles des citoyens et des institutions. Ce cloud sera renforcé par un réseau intranet gouvernemental hautement sécurisé pour améliorer la communication et l’efficacité des services publics.
- Accessibilité universelle à Internet :
- Le gouvernement travaille à connecter les zones rurales et reculées du pays grâce à des partenariats stratégiques avec des acteurs tels que Starlink et Google. L’objectif est de réduire la fracture numérique et de garantir que chaque citoyen ait accès à Internet.
- Renforcement des compétences technologiques :
- Des initiatives majeures sont prévues pour former les talents locaux dans des domaines émergents tels que l’intelligence artificielle, la cybersécurité et le cloud computing. L’objectif est de former près de 10 000 personnes d’ici 2030, avec un accent particulier sur les jeunes et les femmes, afin de réduire les inégalités d’accès aux opportunités numériques. Des indicateurs clés, comme le taux d’employabilité des formés et leur intégration dans les écosystèmes technologiques locaux, permettront d’évaluer l’impact de ces initiatives. Des partenariats avec Meta et Nvidia permettront de créer des centres de formation et d’innovation à travers le pays.
- Création d’un environnement propice à l’innovation et à l’entrepreneuriat :
- Le « New Deal technologique » ambitionne de soutenir les start-ups et les PME locales via des financements et des programmes d’accompagnement. Par exemple, Google s’engage à développer des outils spécifiques pour booster l’entrepreneuriat numérique.
Cybersécurité : Un Appel à l’Action
Avec cette transformation numérique massive, la cybersécurité est devenue un enjeu stratégique qui exige des mesures audacieuses et immédiates. Par exemple, une attaque récente a paralysé plusieurs institutions publiques en Afrique de l’Ouest, soulignant les failles critiques dans les systèmes de protection des infrastructures essentielles. Cet événement révèle l’urgence de repenser les stratégies de cybersécurité et de renforcer les capacités locales pour anticiper et réagir efficacement à de telles menaces. Plusieurs actions sont recommandées pour garantir la sécurité des infrastructures et des données :
- Renforcement du rôle de la DCSSI (Direction de la Cybersécurité et de la Sécurité des Systèmes d’Information) : La DCSSI doit être repositionnée comme une institution clé dans la gestion de la cybersécurité nationale, avec des moyens financiers et techniques renforcés.
- Mise à jour de la PSSI nationale : La Politique de Sécurité des Systèmes d’Information doit être revue pour répondre aux nouvelles menaces et inclure des mesures adaptées aux avancées technologiques.
- Création d’un SOC (Security Operations Center) et d’un NOC (Network Operations Center) nationaux : Ces centres permettront une surveillance en temps réel des infrastructures critiques et une réponse rapide aux incidents.
- Formation des forces de défense et de sécurité (cybers FDS) : Renforcer les capacités des forces de sécurité pour qu’elles puissent répondre efficacement aux cyberattaques.
- Revoir les lois sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles : La loi de 2008 sur la cybercriminalité et la réglementation sur les données personnelles doivent être actualisées pour intégrer les nouvelles réalités numériques. Les technologies de l’IA posent des problèmes complexes, notamment en matière de responsabilité des algorithmes, de protection des droits individuels face à des décisions automatisées, et de gestion des biais systémiques. De même, les blockchains introduisent des défis en termes de régulation des transactions anonymes, de lutte contre le blanchiment d’argent, et de validation juridique des contrats intelligents (smart contracts). Ces questions doivent être abordées dans une perspective adaptée aux besoins locaux et aux standards internationaux.
- Mise en place d’une PKI nationale : Une infrastructure à clés publiques (Public Key Infrastructure) pour renforcer la confiance dans les transactions électroniques et les communications.
- Adoption d’une loi sur la signature électronique : Cela facilitera les interactions numériques sécurisées entre citoyens, entreprises et administrations.
- Création d’un CERT national : Un équipe de réponse aux incidents de cybersécurité (Computer Emergency Response Team) qui jouera un rôle central dans la gestion des cybermenaces.
- Renforcement des objectifs de l’ENCVR : L’École Nationale de Cybersécurité avec Réseau doit s’adapter pour fournir des formations avancées et devenir un centre d’excellence régional.
Investir Dans la Formation et la Sensibilisation
Le gouvernement doit également investir dans les établissements académiques pour former des spécialistes en cybersécurité et sensibiliser les citoyens :
- Subvention des écoles et des universités : Fournir des moyens financiers et matériels pour offrir des formations spécialisées dans les domaines critiques.
- Campagnes de sensibilisation : Informer les citoyens sur les bonnes pratiques numériques pour minimiser les risques d’attaques.
Comment l’État Va-T-Il Parvenir À Ses Objectifs ?
Pour concrétiser cette vision, l’État mise sur une approche collaborative et multisectorielle : cela implique une participation active des citoyens et des entreprises locales. Les citoyens peuvent contribuer en adoptant de bonnes pratiques de cybersécurité, en s’engageant dans des formations numériques disponibles et en promouvant l’utilisation responsable des outils technologiques. Les entreprises locales, quant à elles, ont un rôle crucial à jouer en investissant dans la transformation digitale, en collaborant avec le gouvernement sur des projets stratégiques et en adoptant des standards élevés de cybersécurité pour protéger leurs opérations et leurs clients.
- Financements internationaux : Le Programme de promotion de la digitalisation de l’administration publique (PRODAP), inauguré en octobre 2024, est soutenu par un financement de 29 millions d’euros de la Coopération allemande.
- Partenariats stratégiques : Lors de la visite présidentielle à New York, des accords ont été signés avec Google, Meta et Nvidia pour des projets tels que la modernisation des infrastructures et le développement des compétences.
- Constitutionnalisation de l’accès à Internet : Le gouvernement envisage d’élever l’accès à Internet au rang de droit fondamental pour assurer une inclusion numérique totale.
Quelles Sont Les Implications Pour Les Citoyens et Les Entreprises ?
- Pour les citoyens : L’accès à Internet à moindres coûts et une administration numérique plus efficace transformeront leur quotidien. Des services comme le guichet unique permettront de simplifier les démarches administratives.
- Pour les entreprises : L’innovation technologique et les infrastructures modernes offriront un environnement idéal pour le développement des affaires et l’attraction d’investissements.
Conclusion
Le « New Deal technologique » du Sénégal est un projet ambitieux qui, s’il est réalisé avec succès, transformera le pays en un modèle de référence pour la transition numérique en Afrique. Toutefois, pour garantir sa réussite, il faudra relever des défis majeurs tels que l’inclusion numérique, la protection des données et le développement des talents locaux. En s’appuyant sur une stratégie claire et des partenariats solides, le Sénégal semble prêt à relever ce défi.